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Résumé du bordel ambiant
16 juillet 2006

Lundi matin

J'ai longtemps hésité à poster ce texte. Pour plusieurs raisons.
D'abord parce que ces mots sont vraiment intimes, et qu'au début de ce blog, je m'étais juré que le personnel et le privé, je le laisserais juste s'immiscer entre les lignes.
Ensuite parce que parfois, j'ai l'impression que ce blog est un peu comme un chapiteau monté sur la place du village et qu'on y vient en s'attendant à voir les dompteurs et l'acrobate, le fakir et les clowns. Et ce texte, je me suis demandé s'il avait sa place, parce qu'il n'a pas trop le nez rouge.
Enfin, parce qu'en premier lieu ces lignes, je les ai écrites pour moi. Parce que j'avais besoin de mettre des mots sur ce passage, pour le verbaliser autant que pour être certain de m'en souvenir.
Aujourd'hui, après en avoir parlé avec l'oiseau et la fille cosmique, j'ai quand même décidé de le mettre ici. Parce que peut-être, ça peut servir à l'un d'entre vous. Mais surtout parce que ça me permettra je pense, de m'en décharger un peu.

Il y a à peine un mois, j'avais commencé à écrire un nouveau message que je voulais mettre sous la rubrique "Yojik fait sa marieuse" : je voulais vous présenter un ami qui n'a jamais fait l'amour. Mon chien Mulhouse. C'est malheureusement trop tard. Pour toujours. La grosse (bête) est morte lundi matin.
Comme souvent avec les vieux chiens en bonne santé, ça n'a pas duré longtemps. Une semaine avant, il poursuivait encore les chats qui s'aventuraient dans le jardin, il gueulait comme un veau (mais un veau qui ferait juste semblant d'être méchant), quand le facteur à mobylette osait glisser du courrier dans la boite aux lettres-que-c'est-ma-maison-que-t'as-pas-le-droit-de-la-tripoter et chaque fois qu'une demoiselle venait dire bonjour, il ne manquait pas de lui faire un mega câlin en se frottant des heures sur les pantalons blancs et les jupes au tissu délicat. Des câlins un peu sales et odorants, ça oui, mais qu'elles-mêmes avaient du mal à refuser, parce que c'est pas souvent que quelqu'un te montre qu'il t'aime autant.

Et là, depuis une dizaine de jours, il s'était mis à être moins actif, à moins manger et à boire encore plus que d'habitude. Il avait le dos voûté et on voyait ses côtes. Vendredi il n'avait pas trop la pêche et son samedi il l'a passé couché. Et dimanche, quand je suis repassé chez moi, je l'ai trouvé allongé à l'ombre, dehors, immobile. Je lui ai demandé de rentrer se mettre au frais dans la maison, il s'est couché et n'a plus bougé. En fin d'après-midi, pendant que ça beuglait devant les télés, j'ai vu que ça allait vraiment pas fort alors j'ai appelé MissEx, parce que je leur devais ça à tous les deux. A lui pour qu'il voie sa fille préférée, celle avec laquelle il a vécu le plus longtemps. Et à elle, pour qu'elle ait la possibilité de lui dire au revoir au cas où. Elle est restée deux heures, assise par terre à côté de lui, avec plein de larmes dans les yeux, à lui parler dans l'oreille en le caressant doucement. Et lui, il me jetait des coups d'œil, comme il faisait toujours quand une fille lui faisait des papouilles, comme pour vérifier si le mâle dominant que je devais être à ses yeux, n'allait pas se mettre en colère de le voir toucher SA femelle. Et puis elle est partie, avec l'idée de revenir le lendemain, pour lui tenir compagnie dans la journée, vu que moi j'étais obligé d'aller bosser.

Dans la nuit, j'ai entendu du bruit. Il s'est déplacé de deux mètres, pas plus, pour se mettre à sa place préférée.

Et puis…
Je me suis réveillé 10 fois tu sais. Je faisais que penser à toi. J'ai même rêvé de toi la grosse. Et le matin quand je me suis levé, j'ai bien vu que j'allais pas pouvoir te laisser et espérer te retrouver le soir en rentrant du boulot. Tu étais exactement dans la même position. De la bave partout sous toi, de la pisse qui te coulait goutte à goutte de la queue, de la merde sur les fesses. Et dans les yeux, une expression pas apeurée, ni inquiète mais plutôt désolée. Juste un truc qui semblait vouloir me dire "Là, ça y est. Va falloir que j'y aille".
Alors je me suis allongé à poil sur le carrelage, le visage à 10 centimètres de ton nez de cuir et j'ai commencé à te caresser et à te parler. Juste pour toi, juste pour être avec toi et te rassurer autant que je pouvais.
Je t'ai dit que je t'aimais, que tu étais un bon chien, je t'ai rappelé les bons moments, je t'ai rassuré en te disant que j'étais là, je t'ai caressé doucement derrière les oreilles. Je t'ai dit pour cet endroit où les chiens se retrouvent, je t'ai dit pour Ziza, qui t'attendait déjà. Je t'ai expliqué tout ce que tu allais pouvoir faire, tous ces verbes que tu avais fini par comprendre même conjugués, même si là sur le moment, ils n'avaient pas de sens. Je t'ai dit que là-bas, tu pourrais "Manger, Promener, Aller,...". Même si je suis pas sûr de vraiment y croire, je te l'ai dit.
Puis même respirer est devenu difficile. Et je me suis surpris à souhaiter que tu arrêtes de le faire, parce que c'était pas tes plus jolies minutes. Alors je t'ai dit au revoir, je t'ai demandé de lâcher prise, d'y aller et de rien regretter.

Et d'un seul coup, tu t'es arrêté et j'ai cru que t'étais mort tout en espérant encore que tu soupires et que tu te relèves comme si de rien n'était, en faisant ton air de chien content.
Mais t'as fait un son en ouvrant la gueule en grand et en ramenant la tête contre ton poitrail, comme si tu avais cherché à te faufiler dans un passage trop étroit pour toi, tout en dégueulant toute ta vie. Tu as fait ça quelques fois, pendant une minute. Et puis d'un coup, tu as rejeté ta tête en arrière, et tu as fait un "Ah!".
Et c'était fini.
Je suis resté encore longtemps allongé dans ta bave, mes yeux dans les tiens qui me voyaient plus.

Alors comme je voulais pas t'amener chez le veto et que tu finisses en farine animale, ben même si c'est interdit, j'ai creusé un trou très profond dans le jardin, j'ai mis de la chaux dedans et ton grand corps immobile si différent de ce que tu étais et à la nuit tombante, j'ai enfin fini de tout reboucher.
Un jour, bientôt, j'y mettrai une jolie plante. Des morceaux de toi, des cellules, de la matière qui auront été en toi remonteront dans ses tiges et feront une fleur qui sent bon, et ça me fera penser à toi qui savais parfois sentir si mauvais.

Et puis du temps passera… Et à la longue, tes dernières minutes de très vieux chien, elles s'effaceront petit à petit de ma mémoire, et je me souviendrais plus que de ta vie de clown. Ta façon de te rouler sur le dos quand je te disais "Fais voir le moteur", comment tu savais marcher et tenir sur tes pattes arrières comme un caniche de cirque, comme tu aimais attraper des branches d'arbre de trois mètres de long et grosses comme ma cuisse et que tu courrais partout tout fiérot, avec ça dans la gueule. Je me souviendrai aussi de cette fois où tu avais empêché que je me fasse agresser par ces quatre mecs qui arrivaient en gueulant, sans te voir dans le noir et qui te découvrant complètement immobile, ramassé sur tes pattes, prêt à bondir étaient remontés vite fait dans leur voiture en s'excusant. Je me souviendrai aussi des chats que tu aimais faire déguerpir et des papiers ou des chiffons que tu ramassais et que tu me mettais sous le nez en grognant pour de faux comme pour me dire "viens me le piquer si t'es cap". Je me rappellerai aussi des quartiers d'orange, que tu mâchais en retroussant tes babines dans une grimace hilarante parce que bon, ça pique mais si les humains en mangent c'est que ça doit être bon quand même. Je penserai souvent à ton attitude quand MissEx et moi on faisait semblant de se disputer devant toi juste pour t'embêter et que tu venais te mettre entre nous en me regardant avec un air qui me demandait d'arrêter parce que c'est pas bien de s'en prendre aux filles. Et je me souviendrai aussi à quel point tu as été un bon chien, toi dont la taille faisait peur à tout le monde mais qui n'a jamais mordu personne.

Et puis aussi je te remercierai de m'avoir rappelé que la vie et l'amour c'est précieux et qu'il faut en profiter souvent, parce qu'un jour, quoi qu'on y fasse, c'est trop tard.

Tu vas me manquer mon Mulhouse.

La_Grosse

Demain matin ça fera une semaine.
Dans ta vie t'aura entendu des milliers de musiques. La BO de "The Thin Red Line", c'était ta dernière.
... Surtout vous sentez pas obligés.

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Commentaires
L
Encore une fois tu me touches au plus profonds avec ce post...Je ne sais pas comment tu as fait mais tu viens de m'arracher des larmes.<br /> Ce post il me touche d'autant plus que moi aussi j'ai un Rot dans mon ti coeur. Elle s'appelle Loda et c'est le chien de mon ex...Je souffre déjà terriblement de ne plus pouvoir la voire tous les jours, que je n'envisage même pas le jour que tu décrit ici...<br /> Cel
M
surtout que moi je suis plus triste quand c'est un animal qui meurt que si c'est un humain, dans un livre ou dans un film.
M
comme je te comprends !...et dire que je n'étais pas encore partie quand tu as posté ça, je suis un peu en retard. ça fait presque un an que l'un de mes deux chats est mort, ils sont tous les deux là depuis avant ma naissance, alors le choc...c'est bizarre, moi aussi j'ai sorti tout ça ces vacances, c'est pas encore posté mais ton article me donne envie de le faire. nous aussi on a creusé un grand trou dans le jardin. mais j'ai pas osé le voir mort. c'est étrange comme la plupart des gens pensent que ça ne compte pas, que c'est pas bien grave, "un animal après tout" !
Y
Merci.
A
a ben voila j etais tellement toute retournée que j ai oublié l essentiel de ce que je ovulais poster (oui je suis cruche) ... je suis desolé pour toi et j ai une grosse pensée pour Mulhouse ! courage et Bisous
Résumé du bordel ambiant
  • Les gentils garçons marchent à pied et vont au ciel. Les mauvais garçons roulent à moto et vont partout. Donc... La vie et la mort, les femmes et la coiffure, le sexe et la moto. Mais aussi le dessin, les cerfs-volants et la mer. (Et la brouette javanaise
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