I was on Mars # 1
Ca a d'abord commencé par une quinzaine d'heures d'avion.
J’ai vraiment dû déconner à un moment en quoi faire pour gagner ma vie. Je dis pas ça parce que j’ai travaillé pendant toutes les fêtes. Non, ça j’ai bien aimé. J’étais tout seul au boulot, ma boite mail était aussi vide que vos frigos étaient pleins et l’air de rien j’ai vachement amélioré mon score au démineur. Et puis ça m’a permis de trouver une excuse facile pour refuser les agapes traditionnelles et pas prendre 5 kilos en une semaine.
Non, là où j’ai déconné c’est que dans mon boulot je dois des comptes à mon patron. Alors que si j’avais été plus malin, j’aurais choisi d’être ministre de l’intérieur d’un gouvernement de droite. Bon bien sûr, j’aurais dû porter la cravate et le costume en toutes circonstances, j’aurais dû assister de temps en temps à des vins d’honneur avec des policiers. Et surtout j’aurais dû faire une campagne électorale qui aurait bien expliquée qu’avec moi tu vas voir, le pays va retrouver sa tranquillité et tu pourras aller promener ton caniche le soir, sans que des hordes de sauvages essayent de te piquer ton déambulateur. Mais ça c’est que le côté pas cool du boulot.
Parce qu’il y a un côté cool. Le côté cool c’est que j’aurais été le chef de tout. Et si j’avais pas réussi ce pour quoi les gens m’auraient élu, je me serais pas trop caillé le lait. Imagine par exemple que je sois chef de la police dans un pays où tous les ans pour le réveillon, des tribus de barbare brûlent les voitures des honnêtes gens. Bien sûr vu que j’aurais été élu pour éviter que ça se reproduise, j’aurais essayé deux minutes de faire quelque chose, genre multiplier les flics comme mon collègue du budget multiplie les taxes. Mais pas de bol, imagine que ça change rien. Et ben j’aurais juste dit aux journalistes : « je vais arrêter de communiquer sur les chiffres des voitures brûlées pour que cesse enfin ce concours stupide ».
Les voitures auraient brûlé quand même. Peut-être moins, peut-être plus mais c’est pas important. Le lendemain du réveillon, j’aurais mis mon costume gris foncé et ma cravate jaune, celle assortie à mes dents, et j’aurais dit dans le poste : « le réveillon de cette année a été d’une tranquillité absolue et aucun fait notable ne s’est produit ». (un peu sur le même ton que si je disais « il n’y’a pas eu de pagaille, juste des rues en pente… d’ailleurs les mêmes rues en pente qu’il y avait déjà du temps de la gauche »). Et paf ! Comme aucun chiffre officiel n’est publié, ni vu ni connu cht’embrouille, mes amis les journalistes se seraient contentés de mes affirmations. A leur décharge, il faut avouer que c’est toujours plus sympa de se ruer sur les petits-fours que je leur offre après la conférence de presse, que de faire une vraie enquête de fond.
- T’as goûté aux petits canapés au radis africain frits dans l’huile de genou de castor ?
- Non, j’étais en train de noter l’adresse mail du mec du ministère qui doit nous envoyer les infos qu’il faut qu’on publie.
- Tu me la donneras pour que je ponde mon papier? … Mmmm, ceux au magret de moineau sont délicieux aussi.
D’ailleurs, c’est une tellement riche idée que l’année d’après, non seulement j’aurais continué pour les voitures brûlées, mais j’aurais appliqué mon idée de génie à tout : les vols de sacs à main et de portables, les cambriolages, les meurtres et les viols. C’est simple, si j’en parle pas, ça n’existe pas.
Tiens ! Je me demande d’ailleurs si on pourrait pas faire pareil pour le reste. Je vais proposer ça à mes collègues du travail et du budget. On va arrêter de publier le nombre de chômeurs et de la dette extérieure. Parce que vous comprenez, il est temps que cessent ces concours stupides entre les pays pour savoir lequel en a le plus.
Allez, bonanémaiyeurveu.
Je me souviens, à une époque pas si lointaine, je te jure, je les kiffais les journalistes qu’on voyait dans le poste. Carole Gaesler plus que les autres. Je crois même que j’étais un peu amoureux d’elle. Rien qu’en la voyant apparaître, j’avais comme une pulsion d’amour qui me donnait envie de me noyer dans ses yeux bleus piscine. Ou quand les nouvelles sur la scène diplomatique mondiale n’étaient pas très bonnes, carrément de me cacher entre ses seins généreux en cas de troisième guerre mondiale. Samuel Etienne aussi me faisait le même effet. Pas pour son regard ou sa poitrine, faut être honnête. Non chez lui ce qui me mettait en joie, c’était plutôt son air d’enfant espiègle autant décalé dans un journal télé que ce que pourrait être un Mickey d’accueil dans un parc Astérix.
C’est sûrement parce que je les aimais bien, eux et puis d’autres aussi, que pendant longtemps j’ai compté sur le journal télé pour m’informer de la direction empruntée par le monde.
Mais il a du se passer quelque chose, je sais pas quoi, qui fait que tout est différent.
Par exemple j’aimerais bien que Carole et son regard clair m’explique tout des sujets brûlants du moment. Et même, si elle prenait cet air coquin avec l’œil plissé qu’elle sait si bien faire, je serais même prêt à apprendre sans me fâcher que Bettencourt arrosait gracieusement des membres du gouvernement (parce qu’ils le valaient bien), que l’attentat de Karachi a été commis parce que des commissions occultes n’étaient plus versées pour mieux alimenter des comptes de campagne. Je te promets, elle pourrait même me dire que je vais devoir bosser 30 ans de plus pour avoir droit à une retraite payée en tickets de jeux à gratter, ça me ferait ni chaud ni froid, si elle voulait bien en direct m’envoyer un discret baiser que je saurais être adressé rien qu’à moi.
Mais en fait que dalle. D’abord j’ai pas mes bises mais en plus, le seul truc dont elle sait me parler depuis 15 jours, c’est du froid qui envahit le pays et de me demander de faire attention parce que lorsque la neige s’accumule, les voitures patinent et même parfois, attention moi le journaliste de télé je vais te révéler un putain de scoop : quand il neige, il peut faire un peu froid la nuit. Puis j'ai droit au témoignage de l’homme moyen de la rue (en pente) qui confirme que oui, ce matin sa voiture dérapait sur le goudron glissant.
Paye ton sujet brûlant. Aussi informatif que discuter avec Colette ma voisine d’en face.
- Ouh mais c’est qu’il fait pas chaud hein Mr Yojik ! Si ça continue les vaches vont faire des glaçons pour le jaune.
- Oui je sais Colette. Carole Gaesler vient de me le dire. Un vrai froid de Sibérie.
- Ouh ! Là à mon avis c’est même 7 ou 8 béries.
(Colette a un sens inné du calembour)
Alors vraiment Carole et Samuel, désolé de vous le dire comme ça, parce que vraiment je voudrais pas vous faire de peine, mais vu que pour la météo j’ai déjà Colette, tels quels vous me servez à rien. Au minimum ce qu’il faudrait, c’est que vous preniez votre courage à deux mains, que vous arrêtiez d’avoir peur de fâcher le pouvoir en place et qu’il vous supprime cette niche fiscale qui permet à tous les journalistes de payer moins d’impôts et que vous balanciez enfin du gros, du qui tache.
Ou alors si ce boulot vous intéresse plus, venez carrément habiter en face de chez moi. Je vous promets, si vous voulez on en parlera tous les jours du temps qu’il fait.
C’est en pédalant sous le soleil que j’y ai pensé.
Des frontières, j’en avais déjà franchies en voiture, à moto, en avion, en bateau et même à pied une fois à huit ans pour aller acheter en Suisse une tablette de chocolat qui m’avait couté un bon mois d’argent de poche. Mais jamais je n’en avais passées à vélo.
C'est juste à ce moment là que je me suis souvenu de ce blog. A cause de sa bannière.
Tu vois, ça tenait à pas grand chose que je n'y repasse jamais.
Merci l'Espagne.
27 novembre 1942 - 18 septembre 1970
Le martien le plus célèbre aurait maintenant 67 ans ; qui sait quelle musique il composerait aujourd'hui ?
Bande son : Jimi Hendrix "Drivin' South"
... dans la jungle urbaine et les sinuosités foutraques un mystère demeure entier :
where is my mind ?
With your feet in the air and your head on the ground
Try this trick and spin it, yeah
Your head will collapse
But there's nothing in it
And you'll ask yourself
Where is my mind ?
L'ancêtre a donc eu 100 ans et pour fêter ça, elle nous a tous invités au restaurant.
Alors comme c'était son jour, tu penses bien que pendant le repas, les sujets de conversation ont tourné autour d'elle, à évoquer souvenirs et anecdotes alors que les souvenirs, c'est sûrement elle qui en a le plus. Mais pas grave, pendant qu'on discutait, elle attaquait à bons coups de fourchette, sa deuxième part de gâteau au chocolat en faisant couler avec une petite coupette de bulles qui font pleurer les yeux.
On était plusieurs à s'extasier en la regardant, quand quelqu'un a demandé ce qui avait bien pu l'étonner et la marquer le plus, pendant une vie aussi longue. Y'en a qui soutenaient que c'était probablement une grande découverte ou une prouesse spectaculaire de l'homme, comme le premier pas sur la Lune ou la première traversée de l'Atlantique en avion. Une autre suggéra que lorsque comme elle, tu as perdu dans ta jeunesse la moitié de ta famille à cause de maladies aujourd'hui disparues, tu dois être impressionné par les progrès de la médecine. Et puis la plus vieille de ses filles suggéra que ce qui avait le plus changé sa vie de femme, c'était probablement l'arrivée dans sa maison de la machine à laver parce que du jour au lendemain, ça avait dû transformer sa vie.
Alors on s'est tournés vers elle et on lui a tout simplement demandé.
...
Puis on a répété la question, parce que la première fois elle avait pas bien entendu.
Là, elle nous a regardé vite fait d'un coup d'oeil circulaire et puis elle a joint ses deux mains, comme quand on fait une prière. Et quand elle a eu fini de nous expliquer, on s'est tous retrouvés un peu cons de même pas y avoir pensé.
Parce qu'elle a juste dit que ce qui l'avait marquée tout au long de ces années, c'était d'avoir vu naître et pousser et grandir ses trois filles et qu'à leur tour ces trois toutes petites filles donnent la vie elles aussi, et ainsi de suite sur plusieurs générations pour arriver aujourd'hui à former cette descendance multicolore, nombreuse et disparate qu'elle aime sans différence.
Un truc tout bête en fait, même pas impressionnant.
Mais probablement ce que doit se dire la majorité des vieux humains depuis le début du monde.
Stamatoule. 100 ans, plus trois semaines et quelques.
Mardi soir.
Bande son : je sais pas, rien ne me vient à l'esprit.
Tout ce que j’ignore ou que je fais semblant d’oublier, la vie me le dit à l’oreille.
Il y a dix jours est née une Eléa, petit bout de machin, tout minuscule, qui a commencé son chemin par une opération. L’enfant va bien, la maman aussi, le papa est ravi de cette naissance que plus personne n’espérait.
Bienvenue à toi Elea.
Samedi dernier, c’était Cédric, jeune papa encore trentenaire, à la gueule infernale et l’allure d’indestructible, qu’on laissait après la cérémonie, tout seul au fond d’un trou. Une journée à oublier qu’on était déjà au printemps ; la pluie tombait, il faisait froid et des dizaines de visages témoignaient de la tristesse à réaliser que c’était fini, plus jamais on t’entendrait rire trop fort, plus jamais tu nous taperais sur l’épaule ou nous prendrais dans tes bras immenses de bûcheron canadien.
Salut Cédric, tu nous manqueras.
Deux jours plus tard, c’était l’ancêtre qui faisait parler d’elle en atteignant 100 ans. Un siècle à voir le monde changer dans l’intervalle d’une vie et aujourd’hui avoir "sa tête" pour le raconter. Nous dire comment c’était étrange de voir avec ses yeux d’enfant un avion voler, alors que ça faisait à peine quelques années que l’homme en était capable et que les adultes autour d’elle avaient du mal à y croire. Nous raconter la guerre, là-bas en Afrique, les lions qui rugissaient encore aux portes du désert. Nous expliquer son arrivée ici dans ce pays qui était sien mais dans lequel elle était étrangère. Et puis dérouler jour après jour une si longue pelote, avec tout ce qu’elle peut comporter de triste et de joyeux, de banal ou d’unique.
Et sans jamais savoir si un nœud va tout bloquer, si le fil est encore long ou si la fin est pour bientôt.
Il avait raison : "la vie c’est comme une boîte de chocolats".
Même pas cap’ d’essayer de me piquer celui que j’ai dans la bouche.
Jeudi. 100 ans plus 3 jours.
Bande son : Eiffel "Le coeur Australie"
... désert de poussière rouge... mon amour, mon amie, ma prairie d'altitude, on se tient à la vie à mélanger nos solitudes
- Cawen Dios ! T'as vu, la nana en terrasse on dirait Anne Roumanoff.
- Ouais c'est pas tort. Elle est un peu moche comme elle avec ses dents bizarres.
- Attends mais tu l'as déjà vue Anne Roumanoff ? Non parce que moi oui.
- Et alors ?
- Et alors je peux te dire qu'en vrai, elle est pas du tout comme à la télé, en vrai elle est catso. Pas un avion de chasse c'est vrai, mais un avion quand même.
- T'es sûr que tu la confonds pas avec Adriana Karembeu ?
- Roder, alors toi t'es trop con, t'es bien un doriphore. Anne Roumanoff elle est pas aussi grande, je risque pas de confondre les deux, pis elle ont pas la même tête.
- Ah non, là t'as raison, je confirme, elles ont pas la même tête.
- En plus Anne Roumanoff, c'est un cerveau. C'est qu'elle est vachement intelligente la gonze.
- Comment tu le sais ?
- Ben je l'ai lu dans un magasine. Je crois qu'elle a fait Polytechnique ou un truc comme ça.
- Ah ouais ! Marrant mais moi vu sa tronche, j'aurais plutôt parié sur Poulie Technique.
- Et pourquoi pas Lézards et Mes pieds tant que tu y es ?...
Je suis content de rentrer.
Mais le pays basque va quand même un peu me manquer.
Vendredi, jour de morue.
Bande Son : Sustraia "Gure Hitza"
Puisque presque personne ne parle de lui, ça serait bien de penser un peu à Jon.
You’ve got a pussy
I have a dick
So, what’s the problem
Let’s do it quick
So take me now before it’s too late
Life’s too short so I can’t wait
Take me now, oh, don’t you see
I can’t get laid in Sarkozie
Le samedi soir, tout est permis...