Oreille, ô désespoir
Il m’arrive un truc pas clair.
Depuis deux ou trois semaines, je dors dans la même position : sur le coté la tête sur un oreiller coincé entre mon bras et mon oreille. Et depuis quelques jours je me réveille avec l’oreille collée. Pas comme si elle avait fait ventouse sur l’oreiller ; faut pas déconner non plus, j’ai pas l’oreille aussi grande. Non en fait elle est collée à l’intérieur d’elle-même, comme si toutes les canalisations internes s’étaient écrasées après qu’on y ait mis de la colle à bois.
Et ce matin c’est pire, je me réveille encore plus collé que d’habitude. Alors je me précipite dans la pièce pleine de gravats qui me sert de salle de bains (cht’expliquerai) et pour vérifier ce qui m’englue l’orifice, hop je m’y enfonce direct un coton tige. Comme ça. Direct. A la hussarde, sans préliminaire. Déjà, bon signe, ça me fait le même effet que d’habitude. Au début, c’est une sensation étrange d’intrusion, ensuite ça commence à faire du bien, et puis j’insiste encore et là ça devient à la limite du supportable. L’intérieur de mon oreille réagit un peu comme un clitoris.
Deux minutes après, au bord de l’orgasme auriculaire, je retire le coton tige : il est d’un blanc immaculé. Le mystère demeure donc entier, je ne sais toujours pas pourquoi mon oreille colle du dedans.
Et puis en y réfléchissant mieux, je pense que j’ai trouvé la raison de ce phénomène étrange. Je crois que mon cerveau est trop liquide et que dans la nuit, il se déplace dans le crâne du côté où je dors puis qu’il vient envahir l’intérieur labyrinthique de mon oreille en la collant. Ensuite quand je me lève, il se remet en place dans la boite crânienne doucement. Ce qui expliquerait d’ailleurs pourquoi le matin ça me prend autant de temps pour répondre à des questions même simples genre « thé ou café ? ».
Mais t’avoueras qu’il y a de quoi s’inquiéter. Je me demande si un jour, je ne vais pas me réveiller avec tout l’hémisphère droit du cerveau qui aura débordé de mon oreille, absorbé par capillarité par l’oreiller. Je n’aurais donc que deux possibilités. Soit couper ce qui pend encore de mon oreille et perdre à tous jamais la moitié de ma matière grise au profit de mon oreiller. Soit me balader toute la journée avec l’oreiller tenu autour de la tête par un bandeau, comme le joueur de tennis moyen.
Dans les deux cas, t’avoueras que ça risque d’être un sacré handicap dans la vie.