Lettre d'amour
Mon Hypolite
C'est de la promenade que je t'écris mon pauvre Polite. Tu sais, hier je sais pas ce qui m'a pris à la visite. C'est des maladies qui se voient pas quand ça se déclare, n'empêche qu'aujourd'hui je suis dans le tas à Saint-Lazare. Et pendant ce temps-là, toi vieux chien qu'est ce tu vas faire ? Je peux t'envoyer rien de rien, c'est la misère. Ici tout le monde est décavé, la braise est rare. Faut trois mois pour faire un euro à Saint-Lazare. C’est vrai, de te savoir comme ça sans le sou, je me fais de la bile, t'es capable de faire un sale coup et je suis pas tranquille. Je sais bien que tu as trop de fierté pour ramasser des bouts de cigare, pendant tout le temps que je vais passer à Saint Lazare. Va t'en trouver la grande Nana et dis-lui que je la prie de casquer pour moi, je lui rendrai ça à ma sortie. Surtout lui fais pas de boniments pendant que je me marre et que je prends des médicaments à Saint-Lazare.
Et puis mon pti’ loup, bois pas trop. Tu sais que t'es teigne, que quand t'as un petit coup de sirop tu fous des beignes et si tu te faisais coffrer un soir dans une bagarre, y'a plus personne qui viendrait me voir à Saint-Lazare.
Je finis ma lettre en t'embrassant, adieu mon homme. Malgré que tu sois pas caressant, je t'adore comme papa. Et comme j'adorais le bon Dieu, quand j'étais petite et que j'allais communier à Sainte Marguerite.
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Voilà donc la lettre d'amour envoyée par une femme enfermée en prison, à son homme resté dehors. Ce texte est une chanson écrite par Aristide Bruant en 1887.
(Oui à l'époque on parlait pas encore d'euros mais j'ai un tout petit peu adapté le texte).
Vous je sais pas mais moi je l'aime bien.
Mercredi midi.
Bande son : Parabellum "A Saint Lazare"
Y'a un truc rassurant, c'est que l'amour ça reste universel.